dimanche 12 février 2017

Le féminisme n'est pas une menace

Attention, aucunes des photos illustrant cet article n'a de rapport avec le dit article

Depuis le début de l'année scolaire, je vis ma L3 Arts du Spectacle en Erasmus à Bristol. Cette année est donc très forte en changement, rencontres et découvertes, les plus impressionnantes étant sans doute celles que je fais sur moi-même. J'ai aussi découvert l'Université de Bristol et sa vie étudiante, bien différentes de ce que je connaissais à Poitiers, puisqu'il y a une MULTITUDE d'associations en tout genre et pour tous les goûts. Et bien qu'entre la QuidditchSociety et la TolkienSociety mon coeur ait balancé, ce sont vers celles de féminisme et de Pole Dance que je me suis tournée. A l'époque où j'ai pris cette décision, je vivais encore en auberge de jeunesse, j'ai donc eu l'occasion de m'enthousiasmer de ces associations auprès de mes ''collocataires''. Et je me suis vite rendue compte que ce sentiment n'était pas partagé par la gente masculine (sauf peut-être concernant la Pole Dance… mais ce n'est même pas ce qui a le plus marqué les esprits). Pour la première fois de ma vie, j'ai rencontré des gens et me suis présentée à eux comme féministe. Ce qui était toujours induit et évident dans mon cercle d'amis est devenu sujet de conversation et de scepticisme auprès des hommes que j'ai rencontré à l'auberge de jeunesse. Et ce, quel que soit leur opinion politique, culture, milieu ; du polonais libéral et conservateur à l'anglais hippie à débardeur tie and dye, tous, à des degrés différents, ont considéré que cette affirmation de ma part était une opposition à leur sexe.

J'ai eu beau leur expliquer que le féminisme est une volonté d'égalité entre les sexes, que ce soit dans l'éducation, l'accès à l'emploi, le salaire, le droit de porter ce que l'on veut sans être rabaissée à juste une paire de seins, des jambes, des fesses ; j'ai eu beau leur donner des chiffres (les hommes gagnent toujours environ 23 % de plus que les femmes, 26 % de femmes à l'Assemblée Nationale), des exemples précis (l'accueil réservé à Pamela Anderson, toujours au même endroit), j'ai souvent entendu en réponse que c'était un problème français, mais que sinon, il n'y avait plus lieu de défendre les droits des femmes. Hélas pour eux, l'un de mes cours de cette année (Youth, Sexualities and Gendered Violence) montre que le problème dépasse nos frontières : les hommes anglais sont payés en moyenne 19 % de plus que leurs consœurs, et passent en moyenne 8h aux tâches ménagères par semaine contre 15h pour les femmes. Alors non, il n'y a pas qu'en France que les inégalités hommes/femmes sont une réalité, bien que l'on s'en rende peut être moins compte dans la vie de tous les jours (le harcèlement de rue, bien qu'existant à Bristol semble moins fréquent).


Mais ce sont des photos que j'ai prises et que j'aime bien

Quant à l'argument du « il y a des inégalités plus graves à combattre », je ne risque certainement pas de le prendre en compte, puisque cela reviendrait à hiérarchiser les inégalités et en un sens, les personnes qui en sont victimes. Alors désolée (non), mais je ne considère pas que les droits des femmes sont moins importants à défendre que ceux des personnes de couleur ou homosexuelles par exemple. Et je ne pense pas non plus que je devrais « accepter le fait qu'il y ait des inégalités », parce que je ne vois pas pourquoi on s'arrêterait en si bon chemin. En l'espace d'un siècle, les femmes ont obtenu le droit de voter, d'avoir un compte à leur nom propre, d'avorter, de se marier avec la personne de leur choix (y compris une autre femme depuis 2013) et il faudrait qu'on abandonne maintenant ? Il faudrait qu'on soit contentes de notre situation alors que le sexisme ordinaire ou encore les inégalités dans le domaine professionnel sont une réalité dont nous faisons l'expérience quotidiennement ? Alors même que certains droits que l'on pensait acquis sont remis en question par des politicien-nes, qui se vautrent joyeusement dans une fange sexiste ? Et puis non, le sexisme ordinaire ce n'est pas une invention de féministes remontées du slip, c'est une réalité qu'il est difficile à cerner tant elle est banalisée, même par les femmes et c'est même un concept : Cultural Violence Concept, la violence culturelle : le fait que la société (et même ses institutions) banalise une forme de violence genrée. Tiens, lors de mon premier cours de Youth, Sexualities and Gendered Violence on a fait un petit jeu marrant (non, toujours pas) : nous avions sous les yeux des phrases dont il fallait déterminer si elles avaient été prononcées par un violeur ou si elles étaient issues de magazines masculins. Eh bien si ça avait été un jeu d'alcool, j'aurais beaucoup bu, parce qu'hélas, des différences, il n'y en avait aucune. Et je ne pense pas, contrairement à ce qu'un pote de l'auberge m'a dit, qu'il y ait besoin d'un contexte pour comprendre que « A girl may like anal sex because it makes her feel incredibly naughty and she likes feeling like a dirty slut […] you can try all sorts of humiliating acts to help live out her filthy fantasy », c'est une phrase profondément sexiste, une vision dégradante et dégradée de la femme, issue d'un magazine masculin.


Bonsoir.

C'est la première fois de ma vie que je me rends compte que le féminisme fait peur à certaines personnes. De ces conversations, je retiens le scepticisme de ces hommes qui, au mieux m'ont vue comme une utopiste, au pire comme une castratrice. Beaucoup d'entre eux semblent penser que je défends les droits des femmes, au détriment des droits des hommes, comme si l'égalité était impossible. « Et quand une femme est employée plutôt qu'un homme parce qu'elle porte une jupe, ou qu'elle est sexy, ce n'est pas juste, non ? » Non, effectivement ce n'est pas juste. Cet argument, je l'ai entendu quelques fois, mais c'est pourtant bien un sujet d'entente. Non, une femme ne devrait pas être employée pour son physique, mais pour ces qualifications. Donc je suis d'accord, si un homme n'est pas pris pour un poste parce que l'employeur a choisi une femme pour sa plastique, c'est injuste. Mais c'est injuste tant pour l'homme, dont les qualifications ne sont pas reconnues, que pour la femme, qui est rabaissée à son physique. Cet exemple est frappant, à mon sens : quand on se bat pour les droits des femmes, on se bat pour les droits des hommes.
On se bat pour que l'hétéronormativité de nos sociétés occidentales cesse de peser sur nos épaules (hommes et femmes confondus), avec son cahier des charges à remplir pour être parfaitement intégré : que le genre soit en accord avec le sexe (et que l'on pense que le premier découle naturellement du second) et que l'orientation sexuelle poursuive un but de procréation et soit donc hétérosexuelle . Si en plus on est un homme, blanc, on a tout gagné… Bien que les premières victimes de cette hétéronormativité soient les minorités LGBT, les femmes ET les hommes hétéros dont le genre correspond au sexe en souffrent également : être une femme impliquerait d'être féminine (Natoo a très bien tourné au ridicule les conseils premier degré de WikiHow pour être une femme féminine, conseils qui font froid dans le dos), douce et tendre, à l'écoute, serviable et avec un instinct maternel si fort que la vision de chaque enfant donne des envies d'enlèvement (c'est mal). Être un homme impliquerait à l'inverse d'être fort, virile, d'être entreprenant (notamment dans la sexualité, la violence au sein des rapports sexuels a, du moins en partie, une explication culturelle), de ne pas exprimer ses sentiments s'ils montrent une fragilité ; bref, des critères que l'on connaît mais qui semblent persistants.




Heureusement, la prise de conscience du rôle de la société sur la construction des individus permet aujourd'hui de questionner ce que l'on pense être naturel : le genre, l'orientation sexuelle, les comportements… et c'est génial, puisque la compréhension s'accompagne presque spontanément d'acceptation, donc le fait que la question du genre soit abordée à l'école devrait permettre aux prochaines générations d'éviter de considérer comme naturelles des conceptions qui sont culturelles et réductrices, reposant sur une volonté d'ordre rassurant (surtout quand les temps vont mal…).

Et quand je pense que des gens se soulèvent contre cette mesure de l'éducation ou contre une simple publicité où l'on voit des enfants jouer sans distinction de genre (ni de couleur!) à des jouets habituellement perçus comme genrés, ça me hérisse le oilp ! Parce que c'est bien connu : les féministes sont poilues...

Un peu comme mes genoux

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